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les explorateurs contemporains.

l’attendre, et tous deux s’aidant de leurs pieds et de leurs mains pour grimper sur les glaçons amoncelés qui formaient la berge du canal, disparurent bientôt aux yeux des matelots restés anxieux et immobiles.

— Halte ! dit tout à coup Nielsen à voix basse et du doigt il désigna un point de l’espace.

Là, un énorme ours blanc assis gravement sur la glace, semblait si profondément occupé à considérer le sol, qu’il ne détourna même pas la tête pour savoir quels étaient les deux indiscrets visiteurs. Il était lui-même en chasse et guettait à la sortie de son trou un phoque caché sous la glace.

Les phoques et les morses en effet vivent sous la glace, le corps à demi plongé dans l’eau et tenant leur tête dans l’espace vide plus ou moins considérable qui sépare le niveau de la mer de la couche glacée qui la recouvre. L’air qui circule entre ces deux surfaces superposées ne pourrait longtemps suffire à ces animaux qui, bien qu’amphibies, ont besoin de respirer ; pour en assurer le renouvellement ils ménagent dans la glace certains trous qui font office de soupapes à air, et pour empêcher ces sortes de soupiraux de se fermer, ils y passent de temps en temps, brisant ainsi avec leur tête et leur poitrine les couches glacées qui s’y forment.

C’était là ce que savait l’ours chasseur, et il attendait gravement la sortie de sa proie pour s’en faire un régal.