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les explorateurs contemporains.

bouche entassées dans les magasins semblait rendre inutiles les chasses aventureuses, pénibles pendant le jour et horriblement difficiles pendant la longue nuit polaire. Aussi, quand elle arriva, s’enferma-t-on dans la maison dont on ne songea guère à sortir. Quelques hommes, dans le principe, cherchèrent bien à utiliser pour se désennuyer les outils qu’ils rencontrèrent ; et quelques ouvrages inachevés de menuiserie, qui furent retrouvés plus tard, témoignèrent de ces louables tentatives. N’étant guidés par personne d’assez éclairé pour leur démontrer la nécessité du travail, ils pensèrent sans aucun doute qu’il leur suffirait d’entretenir soigneusement leur foyer, de se nourrir avec abondance et d’attendre la saison chaude en se livrant alternativement au sommeil et au doux farniente. Jamais peut-être pareil exemple d’inaction et d’indolence n’a été donné. Ces hommes, habitués aux rudes travaux de la manœuvre d’un navire, paraissent avoir été là saisis subitement par une inexplicable maladie de paresse. La gourmandise même, qui semble être une nécessité pour les hommes inactifs, ne leur fit point sentir son aiguillon. On a pu constater que parmi les mets qui composaient le stock d’aliments emmagasinés dans la maison de bois, ils ne touchèrent qu’à ceux qui ne nécessitent aucun apprêt culinaire ; ils ne mangèrent que les conserves sans se donner même la peine de les faire chauffer, et un grand nombre de boîtes renfermant de l’essence de viande de Liebig furent retrouvées entamées et