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les explorateurs contemporains.

server leurs corps des attaques faméliques des animaux féroces.

Les deux marins, profondément émus par cet affreux spectacle, continuèrent néanmoins leur route et arrivèrent à la porte de la maison où bien d’autres émotions plus poignantes encore les attendaient. Dès que l’entrée de la première pièce fut entr’ouverte, une odeur épouvantable les saisit à la gorge et les força à se reculer. Quelques instants furent nécessaires pour laisser l’air extérieur pénétrer dans ce centre d’infection ; puis ils parvinrent, en retenant leur respiration, à ouvrir les portes et les fenêtres. Plus d’une heure fut nécessaire à rendre, grâce à ces précautions et à des fumigations de toute nature, le séjour de cette pièce supportable. Le spectacle qu’ils eurent sous les yeux dépasse en horreur tout ce qu’il est possible de décrire. Deux pièces seulement avaient été occupées par les réfugiés, l’une à droite, l’autre à gauche. Dans la première, six cadavres amaigris, presque décomposés, contournés par la douleur, moisis, d’un hideux aspect, étaient étendus. À gauche, les deux commandants avaient sous les yeux trois cadavres couchés dans des lits ; un quatrième était assis et à moitié couché sur une caisse, les jambes pendantes, la tête appuyée sur sa main droite. Tout un drame poignant était écrit dans sa personne. Son costume était relativement élégant, son buste était recouvert d’une veste de laine épaisse, son crâne portait encore un bonnet de