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et nécessaire pour exécuter ce qu’il lui alloit faire jouer. Il la changeoit même souvent de place pour ôter tout soupçon. « Hé ! épinette, disoit-il, à cet instrument quand tout étoit préparé, jouez-moi une telle courante. » Aussi-tôt l’obéissante épinette jouoit cette pièce entière. Quelquefois Raisin l’interrompoit, en lui disant : « Arrestez-vuus ! épinette. » S’il lui disoit de poursuivre la pièce, elle la poursuivoit ; d’en jouer une autre, elle la jouoit ; de se taire, elle se taisoit.

Tout Paris étoit ocupé de ce petit prodige ; les esprits foibles croyoient Raisin sorcier ; les plus présomptueux ne pouvoient le deviner. Cependant la foire valut plus de vingt mille livres à Raisin. Le bruit de cette épinette alla jusqu’au Roi ; Sa Majesté voulut la voir, et en admira l’invention. Elle la fit passer dans l’apartement de la Reine, pour lui donner un spectacle si nouveau. Mais Sa Majesté en fut tout d’un coup effrayée ; de sorte que le Roi ordonna