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digne de sa grandeur que de lui envoyer un corps d’excellens musiciens. Le Sultan les reçut d’abord favorablement ; il assista à trois concerts qu’ils donnèrent dans son palais ; mais ayant observé que ce divertissement amollissait son âme guerrière, et jugeant, par lui-même, qu’il pouvait faire encore plus d’impression sur ses officiers, il loua le talent des musiciens, les récompensa et les renvoya après avoir fait briser leurs instrumens, avec défense de s’établir dans son empire sous peine de la vie. Soliman crut que c’était un trait de politique du roi et dit à l’ambassadeur de France qu’apparemment son maître avait voulu imiter les Grecs, qui envoyèrent aux Persans le jeu des échecs pour ralentir leur ardeur belliqueuse[1]. »

Et Fétis qui nous raconte que l’on cultivait la viole d’amour à Constantinople, au xve siècle !

Castil-Blaze nous apprend encore que les musiciens de la Chapelle figurèrent aux processions de pénitents blancs instituées par Henri III. La première eut lieu à Paris, le 25 mars 1583 ; elle se rendit du couvent des Augustins à Notre-Dame :

« Les pénitens marchaient deux à deux, couverts d’un sac de toile, avec un chapelet et une discipline à la ceinture, dont ils se frappaient les épaules en cadence toutes les fois que la musique jouait. Les seconds fustigeaient les premiers, et ainsi de suite, en observant les figures du rythme, les piano, forte, crescendo, smorzando, etc. Un tutti vigoureux et brillant devait présenter un coup d’œil original et pittoresque, la manœuvre des disciplines marchant avec le jeu des archets, le fouet s’apaisant sur un pizzicato, pour sangler à tour de bras sur un accord sabré…

«… Le roi, vêtu comme les pénitens, était mêlé parmi eux, sans gardes ni rien qui le distinguât. Le cardinal de Guise portait la croix, le duc de Mayenne faisait la fonction

  1. Castil-Blaze. Chapelle et musique, p. 62 et 63.