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L’étranger, croyant lire au fond de mes pensées,
Triste et sans relever ses paupières baissées,
Se mit debout et dit doucement : « À mon nom
Je sais bien que l’horreur devient mon compagnon ;
C’est pourquoi je voulais te le dire à voix haute
Avant que ta bonté ne fît de moi ton hôte.
Tu ne m’as pas permis d’achever cet aveu ;
Tu reçus malgré lui le forçat de ton Dieu !
Et l’horreur, le dégoût, une terreur secrète
Te troublent maintenant à ma vue, ô poète !
À ce trop juste accueil je suis accoutumé,
Les siècles m’ont appris à ne plus être aimé.
Sois béni cependant ! Ta main toucha la mienne ;
Tu m’as comblé des dons de ta table chrétienne ;
Ta source a rafraîchi mes pieds las et poudreux ;
Le maudit te bénit encore ! Sois heureux ! »