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plus tard et dont il a formé des livres dont plusieurs firent tapage ne sont guère connues du public en tant qu’articles publiés à des époques différentes. Aux yeux de beaucoup de lecteurs, elles n’apparaissent que comme les chapitres divers d’un ouvrage.

Je prends un exemple parmi bien d’autres. En 1887, d’Aurevilly met au jour une œuvre qu’il intitule : Sensations d’histoire. Cette œuvre se compose d’un certain nombre de chapitres consacrés à des personnages historiques ou à des historiens célèbres. Comment comprendra-t-on pleinement les jugements qu’il porte sur tel homme ou telle époque, si l’on ne sait que l’un de ces jugements remonte aux premières années de sa vie littéraire, un autre aux heures troubles de la Révolution de 1848, celui-ci aux jours néfastes du coup d’Etat de 1851, celui-là aux instants douloureux qui ont suivi la guerre de 1870 ?

La précision, en pareil cas, est d’autant plus nécessaire que, sans doute dans le but de donner à ses livres de critique plus d’apparente unité, Barbey d’Aurevilly a négligé de mettre aucune indication en tête ou à la fin de ses chapitres[1]. Quand on lit ses ouvrages pour la première fois, on croirait assez volontiers que tous les chapitres qu’ils renferment ont été écrits à la même époque.

L’auteur a eu la coquetterie de vouloir dissimuler l’âge de ses articles en même temps que son âge à lui-même. Il ne les a point pourvus d’un curriculum vitæ.

  1. Depuis la mort de Barbey d’Aurevilly, sa dévouée exécutrice testamentaire, Mlle Read — à qui je suis personnellement si redevable et qu’il m’est doux de remercier ici très respectueusement — a pris soin de relever la date de chacun des articles qu’elle a réunis en volumes.