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nente dignité » des Lettres. La littérature ne doit pas être un passe-temps d'oisif ou un gagne-pain de roturier. C'est une mission qui incombe à des esprits supérieurs, en ce siècle où les grandes luttes d'autrefois, — l'épée au poing et face à l'ennemi, — sont remplacées par une agitation terre à terre, monotone et banale. L'homme de lettres n'a pas droit de cité sur le sol français teint du sang des aïeux: il n'est qu'un parasite, il mérite d'être traité en « outlaw ».

Que dira donc Barbey d'Aurevilly de la femme de lettres ? N'est-ce pas un « monstre » (1) éclos dans le sein corrompu d'une civilisation maudite ? Il faut l'anéantir, avant qu'il sème des ravages peut-être irréparables. C'est à cette besogne vengeresse que s'est voué, avec plus d'ardeur que de justice et d'heureux résultats, l'auteur des Bas-bleus. Il procède par exécutions vigou- reuses et brèves, après instruction souvent très som- maire de la cause des inculpées. Si la tâche lui paraît douloureuse, jamais néanmoins il n'y apporte de défail- lance. Il se reprocherait un manque de courage à l'égal d'un crime. Il a, trop haut placé dans son âme, le culte chevaleresque de la femme, pour permettre que certaines d'entre elles déchoient du rang élevé qu'elles occupent.

Dès ses jeunes années, par le fait de son éducation et de ses instincts aristocratiques, d'Aurevilly ne pensait pas autrement. En 1835, dans la Bague d'Annibal, il stigmatise durement '< ces femmes comme j'en connais, et que les hommes, — aussi lâches qu'elles sont impu- dentes, — ne renvoient pas faire leur compotes » (2). Et

(1) Les Poètes, p. 145 (éd. Amyot, 1862). — Les Bas-bleus (éd. Palmé) — passim.

(2) La Bague d'Annibal (éd. Lemerre), p. 291.