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ferme, d'un ton qui n'admet pas la réplique. Cette attitude est certainement plus dédaigneuse que celle des roman- tiques ; elle l'est surtout infiniment plus que celle de Gustave Flaubert. Le pauvre Flaubert était réellement hanté, obsédé, possédé par le bourgeois. Le bourgeois, c'était sa bête noire, le cauchemar de ses jours et de ses nuits, sa constante hallucination. De là, dans l'expression de ses mépris, un grand fond de naïveté, de mesquinerie et de crainte puérile, qui était insupportable à Barbey d'Aurevilly. Et l'auteur à' Une Vieille Maîtresse Ya fait durement sentir à l'auteur de Madame Bofary (1).

C'est donc l'orgueil aristocratique, — un orgueil mal placé, souvent, mais toujours haut placé, — qui inspire et alimente l'œuvre de Barbey, — l'orgueil, dit-il, « qui fait supporter la vie » (2). Il ne veut pas entendre parler de résignation : c'est « la vertu des agneaux » (3), lesquels sont dévorés par les loups. Mais cette attitude essentiel- lement autoritaire ne peut convenir à l'existence de tous les jours. D'Aurevilly ne sera-t-il donc qu'un Brummell inutile ? « Faire une épouvantable consommation de gants blancs, — s'écrie-t-il, — et réfléchir sur la vie, les deux seules ressources qui nous soient restées, à nous autres jeunes gens qui n'avons pas vu Napoléon » (4). En attendant des temps meilleurs, il écrit, pour se soulager, la Bague d'Annibal, Germaine^ VAmoiir lm2')ossiNe, le Dandysme, Ces livres ne s'analysent guère : ils sont faits de nuances, et les nuances ne se peuvent fixer, sans qu'on coure le risque de les voir disparaître. Même, à

(1) Artirle sur Bouvard et Pécuckel, de G. Flaubeht. [Coiislilutionnel, 10 mai 1881).

(2) La Bague d'Annihal, strophes 48 et ou (éd. Lemerre).

(3) LeUre à Hector de Saint-Maur.

(4' U Amour Impossible, p. 42 (éd. Lemerrc\

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