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naturelle qui n*a pas besoin, pour se faire valoir, du puéril secours de l'art. Mais d'eux aussi il tient le mépris insolent, la vanité presque inconsciente et passée dans le sang-, l'orgueil qui se pare d'une supériorité souvent contestable, enfin le goût déplorable de l'artificiel, qui corrompt la saine nature, et la tendance au compliqué, parce que le naturel est trop simple. Donc, comme la plupart des nobles, le fils de Théophile Barbey gâte ses meilleures et ses plus précieuses qualités par l'excès où il les pousse et l'abus qu'il en fait. En revanche, il relève ses défauts par je ne sais quel air de crànerie et d'absolue franchise qui les rend moins choquants.

Par exemple, s'il a l'orgueil du gentilhomme, il en a aussi la pudeur. Qui pourrait croire jamais que la majeure partie de son œuvre n'est, comme il le dit lui- même, « qu'une confession à la troisième personne »? Nul critique ne s'en est aperçu de son vivant et il fallait pénétrer jusqu'à son àme, — qu'il défendait contre toutes les curiosités, — pour s'en douter. Et ceci le sépare radi- calement de bien des romantiques. Il convient de lui en savoir gré. On a vu tant de gens monter sur des tréteaux pour apprendre, avec force clameurs désespérées, à l'univers entier qu'ils avaient du « vague au cœur » et qu'ils souffraient de maladies extrêmement raffinées, on a vu tant de cabotins délirer sur la scène et mettre au premier plan leur pauvre physionomie, qu'il est bon de respirer, chez d'Aurevilly, une atmosphère moins saturée de folie théâtrale. Lui, au moins, s'il s'est jeté tout vivant dans son œuvre, il a « démarqué » ses souvenirs et con- tenu sa sensibiUté pour que la foule, irrespectueuse et profanatrice, ne vînt pas se ruer dans le sanctuaire de sa vie intime. Il n'a pas étalé ses plaies au grand jour, — sauf dans les Mcmoranda, qui n'étaient destinés qu'à