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La vanité y supplée aux qualités réelles, trop souvent absentes, de la noblesse, et la fatuité y remplace les mérites vrais, anémiés ou disparus, de l'intelligence et du cœur. Or, ajoutez au dandysme sec et momifié d'un Brummell les bonnes fortunes de la passion, vous aurez le dandysme « nouveau jeu » du comte Jules-Amédée- Hector de Ravila de Ravilès qui porte les prénoms de Barbey d'Aurevilly en personne. « Le comte Ravila de Ravilès qui, par parenthèse, avait toujours obéi à la consigne de ce nom impérieux, était bien l'incarnation de tous les séducteurs dont il est parlé dans les romans et dans Fhistoire... Gomme d'Orsay, ce dandy taillé dans le bronze de Michel-Ange, qui fut beau jusqu'à sa dernière heure, Ravila avait eu cette beauté par- ticulière à la race Juan, — à cette mystérieuse race qui ne procède pas de père en fils, comme les autres, mais qui apparaît çà et là, à de certaines distances, dans les familles de l'humanité. C'était la vraie beauté, — la beauté insolente, joyeuse, impériale, juanesque enfin ; le mot dit tout et dispense de la description; et — avait-il fait un pacte avec le diable? — il l'avait toujours... Seu- lement, Dieu retrouvait son compte ; les griffes de la vie commençaient à lui rayer ce front divin, couronné des roses de tant de lèvres, et sur ses larges tempes impies apparaissaient les premiers cheveux blancs qui annoncent l'invasion prochaine des Barbares et la fin de l'Empire... Il les portail, du reste, avec l'impassibilité de l'orgueil surexcité par la puissance; mais les femmes qui l'avaient aimé le regardaient parfois avec mélancolie. Qui sait ? EHes regardaient peut-être l'heure qu'il était pour elles, à ce front ! Hélas ! pour elles comme pour lui, c'était l'heure du terrible souper avec le froid Commandeur de marbre blanc, avec lequel il n'y a plus que l'enfer, —