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lantes. Son parler sobre et ses expressions presque sans couleur seyaient à sa voix aux trois quarts éteinte » (1).

Barbey d'Aurevilly n'apporte pas moins de soin à parer ses jeunes héros de toutes les grâces de la noblesse. A leur front, il fait briller l'auréole de l'aristo- cratie la plus pure. C'est, du reste, lui-même qu'il dépeint, la plupart du temps, à tous les âges de sa vie. Il se met en scène sans effort ni gêne, comme poussé par un besoin secret d'expansion, par l'orgueilleux désir de rendre plus éclatante encore la race qui marque son âme de traits ineffaçables.

Jules Barbey a près de vingt ans. Il sera FAllan de Cynthry de Ce qui ne meurt pas. < Ce jeune homme était d'une beauté presque divine. Il avait cet âge herma- phrodite d'entre l'adolescence et la jeunesse, qui participe de toutes les deux et qu'on dirait un troisième sexe pendant le peu de temps qu'il dure, car la beauté de cet âge dure encore moins que la beauté si vite évaporée des femmes. Une fois la virilité venue, cette beauté déli- cieuse et périssable disparaît et, même dans l'homme le plus beau, on n'en reconnaît pas la trace. Ce jeune homme, ce soir-là, semblait le génie pensif de la solitude en personne... Imagination d'une telle plénitude qu'elle se passait d'aliments et qu'elle se nourrissait d'elle- même, Allan, dont les études étaient à peine terminées, répudiait toute espèce de livres. Les poètes, ces fées divines des contes qu'ils nous font, avaient peu de mer- veilles pour lui, qui dédorait en les lisant leurs pages les plus reluisantes... Cette panthère, qui couche dans l'antre du cœur de l'homme, s'éveillait dans le sien et lui mettait sa griffe au front. Il souffrait du mal d'avoir

(1) Ce qui ne meurt pas (l" éd. Lemeire, in-12, 1884) p. 19 et 20.