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de Don Juan » ; ki comtesse de Savigny, qui trouve « le bonlieur dans le crime » ; la comtesse du Tremblay de Stasseville, cachant son jeu amoureux sous les « cartes d'une partie de whist » ; le chevalier de Mesnilgrand, à son « diner d'athées » ; la duchesse d'Arcos et de Sierra- Leone, fille de haute famille, qui ourdit contre l'époux qui l'a maltraitée et qu'elle hait une « vengeance » épou- vantable et consomme jusqu'à son dernier souffle, en voulant mourir comme une fille publique, sa revanche d'amante outragée. Puis, dans Une Histoire sans nom, c'est la janséniste baronne de Ferjol et son enfant infortunée Lasthénie, qui mènent à elles deux, face à face, une lugubre action dramatique sur laquelle plane,, implacable, l'oiseau noir du Destin. Enfin, dans Une Page d'Histoire, se révèle la famille maudite des Ravalet, avec ses deux rejetons incestueux, Julien et Marguerite, qui furent décapités en place de Grève l'an 1603.

Voilà, certes, une longue théorie de personnages nobles qui dévoilent leur origine, à chaque instant, au cours de leurs exploits, par une intrépidité à toute épreuve ou par des gestes las. Un caractère mâle et hautain ou bien un tempérament que la jouissance a blasé et que le bien-être a corrompu ; une attitude invinciblement martiale ou un maintien alangui d'êtres à demi usés : tels sont leurs signes distinctifs. Mais, en tout cas, ce sont gens de race qui ne frayent guère avec la plèbe et vivent dans une atmosphère supérieure à celle du vulgaire. Il n'y a rien de commun entre le peuple et eux, entre deux castes si tranchées que les moeurs séparent aussi radicalement que la nature. C'est pourquoi d'Aurevilly se garde bien de mettre sur le même plan et de présenter en un même groupe nobles et roturiers. A chaque classe il assigne son rôle social, sa fonction intellectuelle et son langage.