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au soleil, il admet assez volontiers qu'une élite s'épa- nouisse et vive en pleine lumière de la création, plane au-dessus de la foule, rayonne au sommet de la société et se fasse supérieure, par sa propre vertu, aux contin- gences ou conventions vulgaires. De cette conception naît la tcMidance de Findividualiste à l'aristocratie.
La révolution du romantisme a été, notannnent, une explosion spontanée d'aristocratie longtemps contenue. On a remarqué que la plupart des adversaires du roman- tisme, à son origine, se trouvaient être des libéraux: libéraux en religion, en morale et en politique, conserva- teurs en littérature. Ils étaient les démocrates vassaux de la doctrine classique. Par contre, les novateurs roman- tiques appartenaient presque tous aux classes conser- vatrices, à la noblesse du XVIIP siècle, et affectaient de se rattachera l'ancien régime. Ils étaient les seigneurs intellectuels du siècle commençant.
A vrai dire, la génération de 1830 ne ressembla guère à la génération précédente, que représentaient Chateau- briand et Lamartine. Ses instincts d'émancipation la jetèrent dans le libéralisme ; elle se fit à son tour indépen- dante du passé et curieuse du seul avenir. Ce fut le romantisme de Victor Hugo « grandi », d'Alfred de Vigny, de Musset, de Théophile Gautier. Ce fut celui de Barbey d'Aurevilly. Il ne faut pas, en effet, oublier les idées dont se parait, en 1832, — comme pour lancer un défi aux temps défunts, — la superbe autonomie du jeune étudiant de Caen. Mais on sait aussi que ces « incartades » démocratiques d'un adolescent ivre de sa liberté ne firent pas long feu. Jules Barbey revint vite au bercail de ses ancêtres. Il ne put étouffer la voix du sang qui l'appelait vers d'autres destinées. Pour qu'il demeurât républicain, il eût fallu créer, à son usage per-