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les misères du présent. A fréquenter autrui, on ne peut que gagner de nouvelles victoires sur ses préjugés, accroître sa valeur individuelle et se rendre « plus homme ». On discerne mieux ensuite les défauts de sa cuirasse, — et de la cuirasse de son voisin. Mais, si l'on se réduit de gaîté de cœur à la contemplation de soi- même, on court risque de se méconnaître, en s'élevant trop haut, et de méconnaître les autres, en les imaginant trop inférieurs à soi. Et c'est en réalité, je l'avoue, le plus grand reproche qu'on puisse adresser à la critique romantique, en général, et à celle de Barbey d'i^urevilly, en particulier.

Toutefois, et en dernière analyse, n'est-ce pas un appréciable mérite déjà, et qui compense bien des torts, d'avoir affiné à tel point sa sensibilité et l'avoir faite si vive et si pénétrante que, lorsqu'elle consent à se gou- verner et à se modérer, elle acquière presque la puis- sance de la raison ? Du jour où la faculté de sentir sait se garder contre les surprises de la passion, elle devient presque l'égale de la faculté de juger. Tel a été, dans bien des cas, comme on le verra plus tard, le sort de la critique de d'Aurevilly, malgré ses panaches multicolores et son romantisme à l'aigrette rutilante.