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sarcastique, il a contemplé, du fond de son pauvre logis de la rue Roussolet, le succès d'hommes qui ne le valaient pas, et il s'est renfermé en un dédaigneux silence. Sous ce rapport, on peut dire qu'il a mis dans ses études critiques l'impersonnalité que Flaubert mettait dans ses romans. Il n'a pas fait la moindre avance à la célébrité ; elle est venue à lui lentement, — tardivement, hélas ! — et il a expérimenté combien est vrai le mot de son maître favori, Honoré de Balzac: La (jloire est le soleil des morts. En dépit de la rancune des médiocres qu'il a maltraités et du mépris prudhommesque des pédants, les magnifiques éclairs de son imagination illuminent son œuvre d'une clarté empourprée, et sur beaucoup de points ses jugements sont demeurés définitifs... Et on croit le revoir, comme en ses dernières années, pincé dans sa redingote, le front hautain, l'œil mi-voilé et perçant, la bouche sarcastique sous ses moustaches teintes, dédaigneux avec les hommes, che- valeresque et indulgemment tendre avec les femmes. Il donnait bien l'idée de ces Rois de la mer, ses aïeux normands, terribles envers leurs ennemis, dominant de leur cri de guerre le bruit de la tempête, mais attendris et sensibles quand la voix delà sirène s'élevait au-dessus des flots apaisés ».

Force, héroïsme, divination ou génie : tels sont égale- ment, aux regards de M. André Theuriet, les titres essentiels qui désignent Barbey d'Aurevilly à l'admiration de la postérité.

Sous des apparences plus frivoles, M. Anatole France n'est pas moins explicite. « La critique de Barbey d'Au- revilly, — écrivait-il dans le Temps du 28 avril 1889, — est emportée et furieuse, pleine d'injures, d'imprécations, d'exécrations et d'excommunications. Au demeurant, la

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