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fut l'assise do sa littérature, le sol fortenieut construit où posèrent ses pieds, d'où partit le vol conquérant de sa pensée. Ceux qui ont pénétré dans cette chambre de la rue Rousselet, où a vécu et où est mort Barbc}^ d'Aure- villy, conserveront dans leur souvenir, à travers tant de conversations brillantes, ironiques, hautaines, où appa-' raissait sans cesse un charme de bonhomie, ceux-là conserveront, comme une caractéristique de cette haute individualité, l'observation que sans cesse l'écrivain pensait aux gens et aux choses de ce Cotentin où il avait passé son enfance et sa jeunesse. Perpétuellement, il é\*oquait, avec une sorte d'élan vers le passé, ces rues d'obscurité et de silence des petites villes où il a fait vivre les demoiselles Toufltedelys, les anciens chouans qui se rendent à des veillées dans des salons surannés en éclairant le pavé de leurs lanternes, toutes les épaves du passé échouées sur une des grèves de l'Histoire. Il resongeait aux hôtels où l'on change les chevaux, aux étapes de voyage à travers sa province, à des petites places envahies d'ombre, où tout à coup rougeoie le rideau cramoisi d' Alberto. Il respirait le vent de l'espace dans la lande de Lessay, violette et rose de tout le soleil se couchant à l'horizon des bruyères, il écoutait déferler la mer sur les plages et dans les villages dos pêcheurs où sa pensée erra sans cesse comme une mouette inquiète et fidèle ».

Force, héroïsme et inspiration : voilà donc aussi en quels termes se formule et se résume le jugement de i\I. Gustave Gefïroy. Si le mot génie n'y figure pas effec- tivement, il sourd néanmoins sous chaque ligne; à chaque phrase, il hante la pensée du critique.

De son coté, M. André Theuriet, qui est à la fois un romancier et un « docteur en ronians », ainsi que disait