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avec une étonnante facilité. Il n'ngil pas différemment à l'égard de la poésie, du roman et du théâtre. Il mot à nu le squelette d'une comédie ou d'un drame avec la même prestesse qu'il apporte à désarticuler un volume de vers et à fouiller au scalpel la fable d'un romancier ou la nou- velle d'un conteur. Sa critique des Misérables de Victor Hugo est, notanmient, un chef-d'œuvre de composition, d'ordonnance, de logique passionnée, si elle n'est pas un chef-d'œuvre de critique impartiale.

On dirait parfois que Barbey d'Aurevilly joue avec un livre, comme un jeune chat avec la souris qu'il va bientôt dévorer. Qu'on ne s'en tienne pas aux apparences. Le critique ne s'amuse pas : il tourne et retourne en tous sens l'objet soumis à son appréciation, afin de le mieux comprendre et de le faire mieux voir. On jurerait par moments qu'on a affaire à quelque anthropophage marty- risant une proie humaine qu'il s'apprête à rôtir. Re- gardons de plus près : c'est simplement un magistrat qui fait subir un interrogatoire très serré à son justiciable et le presse de questions, pour le condamner sans rémission ou le « renvoyer des fins de la poursuite ». L'exercice ne manque ni de grâce ni de charme, quand un scrupuleux sentiment d'équité l'inspire.

Il y a également plaisir et profit à contempler le Chouan d'Aurevilly exécutant, sur le champ de bataille des idées, de superbes moulinets et de savantes voltiges. Il se livre supérieurement à ces études d'assouplissement. Et ses coups de canne, — aussi bien que ses coups de boutoir, — ne sont pas toujours inutiles. D'ailleurs, à la sveltesse des mouvements, qui est pure parade, il ajoute l'habileté et la vigueur de l'attaque, qui sont des qualités de fond. Il a dans le sang le génie militaire, l'ardeur belliqueuse, l'ivresse de la lutte. Il veut de la force