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ne les surpassera pas en précision et en coloris. Enfin, indépendamment de leur caractère local, les romans qui s'appellent fntc Vieille Maitresse, les Diaboliques et ï")w lUsloire sans nom ne périront pas : ils sont appuyés sur les éternels fondements de la nature humaine, — et, fussent-ils des romans d'exception, ils auront toujours pour eux cette grande vérité de l'âme qui admet les cas les plus extraordinaires, du moment qu'on les anime d'une vie réelle. Néanmoins, les préférences du lecteur iront plutôt à des œuvres comme Y Ensorcelée ou le Chevalier Des Touches, à cette forme du roman histo- rique v< cette œuvre double », — ainsi que la nomme Barbey, — « où deux réalités doivent se fondre au souffle d'un espilt puissant, pour exprimer la vie com- plète »(1). C'est là que réside l'indiscutable gloire du romancier normand.

Ses essais critiques seront moins estimés. Trop de fantaisies et trop d'injustices les déparent. D'Aurevilly a méconnu bien des hommes détalent et bien des ouvrages de prix. Il a été, notamment, d'une sévérité excessive pour le X Ville et le XIX« siècles. Il n'a pas voulu mesurer à sa vraie mesure le merveilleux effort intellectuel des temps modernes, en philosophie et en histoire surtout. A partir de Descartes, il est « dépaysé » dans la spé- culation métaphysique; il n'admet pas qu'on érige en juge suprême le '< Cogito, erf/osum », — axiome d'où procède la pensée libre d'aujourd'hui. Sans doute, en cela, l'auteur des Dropheles du Passé est conséquent avec lui-même : mais cette fidélité aux choses d'autrefois, est-ce une raison suffisante pour dénier aux recherches contem- poraines leur opportunité et leur valeur ? On en peut

^1) Les Misérables, de M. Victor Hugo, p. 56 (Paris, 1862).