Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/357

Cette page n’a pas encore été corrigée

— 353 —

durée ù la valeur du personnag-e qu'il atteint. Pour ne citer que des contemporains, Chateaubriand, Lamartine et Victor Hugo, notamment, ont connu Tindifférence du public au lendemain de leur disparition. A force de retenir fixés sur eux les regards du monde, il les ont fatigués ; et le monde se venge de cette lossitude en reléguant discrètement dans la pénombre les gloires qu'il a le plus exaltées. Il apparaît même que, plus un écrivain est grand, plus longtemps il soufïre de Toubli posthume. Mais le silence des lettrés, qui est une leçon, est aussi une épreuve décisive. C'est à la seule vertu souveraine de leurs œuvres que les morts doivent demander la consécration de leur célébrité et l'immorta- lité de leur nom. Si ces œuvres triomphent de l'obscurité relative qui leur est infligée par l'immédiate postérité, elles affirmeront leur vitalité indestructible ; si, privées de la pleine lumière, elles succombent dans la nuit du tombeau, on peut dire qu'elles sont mortes à jamais avec leur auteur, à supposer qu'elles aient, un jour, vécu d'une vie véritable et que leur prestige d'une heure n'ait pas été pure illusion.

Barbey d'Aurevilly n'a pas eu à subir cette éclipse d'oulre-tombe : cor à aucun moment il n'a brillé, durant sa longue existence, de l'éclat d'une réputation qu'il méritait et dont il fut frustré. Ce n'est donc pas à une renaissance de sa mémoire que la critique d'aujourd'hui nous convie : c'est à une réparation des erreurs du passé qu'elle a travaillé pendant les dix dernières années du XIX" siècle, et c'est un labeur de justice tardive qu'à l'aurore d'un âge nouveau elle continue d'accomplir.

Néanmoins, l'opinion mil peu d'empressement à recon- naître les mérites de celui qu'elle avait longtemps ignoré. De 1889 à 1891, cinq ouvrages posthumes de