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tromail des compensations au moins partielles. « Pour des lôtes construites d'une certaine façon militaire, disait-il, ne jamais se rendre est, à propos de tout, tou- jours toute la question, comme à Waterloo... » (1). Il ne s'est jamais rendu.

Aussi y a-t-il, dans ses luttes même les plus injustes et les plus passionnément violentes, je ne sais quelle cranerie de bon aloi et quelle honnêteté foncière qui désarme une critique portée à trop de sévérité. Jamais on ne devine en son âme l'amertume que dissimule mal un candidat évincé non plus que les impatiences irritées des « arrivistes » d'aujourd'hui. Barbey d'Aurevilly a la belle ardeur et la belle humeur de la bataille loyale. Son clairon résonne, joyeux et plein d'allégresse, car la bile n'en obstrue pas l'embouchure, et les notes s'envolent, limpides, au grand air pur, modulant le chant de triomphe de l'indépendance qui ne se rend point. Seule, effectivement, la question de l'indépendance, à ses yeux, est en jeu. C'est par « individualisme » que le fils des Chouans de Basse-Normandie part en guerre contre les associations de toute espèce : nul autre sentiment d'hos- tilité ne lui est connu.

A n'importe quel moment de sa carrière intellectuelle, il est resté fidèlement attaché aux principes d'autonomie qui le dirigeaient et dictaient sa conduite. Ce qu'il pensait en 1830, à ses débuts, il l'a exprimé hautement en 1850, quand il inaugura ses fonctions de critique, il l'a crié sur les toits de 18G0 à 1870, à une époque décisive de son existence littéraire, il l'a répété en 1880 et jusqu'à la fin de ses jours. Il n'a pas modifié son opinion sur l'Académie française et la Revue des Deux-Mondes, non plus que

(1) ie.v Diaboliques (éd. Dentu), p. 8.