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véritable caractère avec assez de force. Il montre bien, par exemple, la réconfortante leçon qui se dégagea, pour lui. des causeries de « ce charmant conversationniste », de la « noble vertu d'indépendance littéraire » et de la « dignité de travail vraiment irréprochable » par où d'Aurevilly manifesta sa grandeur intellectuelle et morale ; seulement il s'en tient là, et ce n'est pas suffi- sant. Sans doute aussi, il reconnaît la valeur des principes de critique que l'auteur des Prophètes recom- mandait à ses amis, quand il leur disait : « J'ai jugé les livres comme j'ai jugé les passions. Juger, là est tout l'homme ». Pourtant, est-ce bien par de tels conseils que l'écrivain normand a eu de l'action sur les esprits éclos à la vie des lettres après la guerre de 1870 ? On en peut douter. L'ensemble de l'œuvre de Barbey était de nature à exercer sur les imaginations un plus séduisant prestige que toutes les brillantes « sorties » ou les avis empana- chés du Maître.

Mieux avisé, en somme, me paraît M. Gustave Gefïroy, lorsque, dans ses Noies cVicn journaliste, il remarque que le premier grand ouvrage de Barbey d'Aurevilly, cette Germaine devenue par la suite Ce qui ne mewHpas, a eu sur les jeunes romanciers de 1880 « l'influence la plus évidente et la plus directe ». Et le clairvoyant critique ajoute : « Les romans de M. Paul Bourget ont avec lui une indéniable parenté. Les décadents symboliques d'au- jourd'hui l'ont lu, relu et paraphrasé. De combien de vers et de proses a été l'inspiratrice une phrase comme celle-ci : « Les camélias du balcon ressemblaient à des désirs mourants ».

C'est donc, semble-t-il, par son symbolisme romantique que d'Aurevilly a fait sillon dans les lettres contempo- raines et y a marqué une empreinte ineftaçable. A cet

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