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désirs. C'est tout simplement le besoin de vivre qui le pousse à frapper à la porte de ces deux fameuses « maisons ». Du reste, il y entre la lôte haute, et j'ai bien peur qu'il n'ait découragé d'avance, par son humeur indépendante et bizarre, nombre de gens qui se seraient peut-être intéressés à sa personne ou à sa littérature. Dès en franchissant le seuil des plus hospitalières demeures, il laisse entendre qu'il n'est à la merci de qui que ce soit et qu'il réserve par-dessus tout l'absolue autonomie de sa plume. Il ne modifierait pas un mot de son manuscrit pour faire plaisir à Silvestre de Sacy ou à François Buloz. Si l'on essaie de lui démontrer la nécessité de certaines corrections, il se fâche. Il ne veut convenir de rien, préférant se brouiller avec ces « marchands de papier noirci » que céder à leurs instances. Et il sort de la maison, où il s'était fourvoyé, en faisant claquer la porte. Il est donc en quelque manière l'artisan de ses propres déboires. On ne l'exclut pas, il s'exclut lui-même en se retranchant derrière sa dignité froissée. Ce n'est point, on le voit, pour se venger d'injustices et de mauvais accueils immérités que Barbey d'Aurevilly attaque les Débats ou la Revue des Deux-Mondes. 11 s'insurge contre ces redoutables puissances par rancune d'écrivain qui a été blessé au plus profond de son ame orgueilleuse et de ses sentiments de fierté invincible, le jour où il les a rencontrées sur son chemin et s'est trouvé vis-à-vis d'elles dans une attitude de postulant. Il souffre d'avoir dû, à un moment donné, courir le risque de faire partie d'un haïssable groupe et d'incliner devant quelqu'un l'hu- meur farouche de son indépendance. Il partirait en guerre contre ces associations et coteries tout aussi bien, et même avec plus d'entrain,- s'il n'était jamais allé y quêter une place.