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tous les jours grandissant davantage et qui présente- ment touche au monstrueux. C'est ce qu'on peut appeler Vhistrionisnie, ou l'amour du Théâtre et des choses de théâtre. Le théâtre est le tyran moderne. Il s'affirme outrecuidamment lui-même, par l'organe de ceux qui en t'ont la plus belle œuvre de l'esprit humain, et, jusqu'ici, nul critique ne s'est levé contre cette prétention, intolé- rable et ridicule, et ne lui a campé le démenti qu'elle méritait. A l'heure actuelle, le théâtre despotise tout le monde, et c'est le seul despotisme dont personne ne se plaigne ». (1) On le voit : c'est des hauteurs sereines de son mépris que Barbey d'Aurevilly va juger le mouve- ment dramatique du XIX" siècle.

Casimir Delavigne n'est pas, à ses yeux, le représen- tant le plus solennellement ennuyeux de la tragédie bâtarde, mi-romantique, mi-classique, — tel que des censeurs récents ont voulu le dépeindre. On dirait que le versificateur de l'Ode aux Themnopyles s'est toujours souvenu qu'il avait, en une heure d'enthousiasme juvé- nile, dédié ses premières rimes au poète des Mcssé- niennes. « Par la nature tempérée de son esprit. — écrivait d'Aurevilly le 5 décembre 1881, — il inclinait assurément vers cette chose commune du Juste Milieu, mais il ne versait pas en elle. Le poète, chez lui, — l'atome poétique, si vous voulez, l'arrachait au bour- geois... Talent de tradition et fait pour rester classique, il fut cependant pris et ensorcelé par le charme de ce temps de romantisme, et se teignit de ses couleurs. Ce fut un romantique, non pas d'intensité, de féerie, de fana- tisme, comme on Tétait alors, mais un romantique retenu,

(1) Le Théâtre conlemporain, tome I. Préiacu, p. 1. (Qujiiitiii, éditeur,