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dont la Critique espéra davantage. Comme presque tous les romantiques qui, en parlant beaucoup d'originalité, imitèrent plus ou moins quelque chose, M. Mérimée s'était teint, avec ou sans dessein, de littérature étrangère. Le Théâtre espagnol fut pour lui ce que le Théâtre anglais fut pour d'autres... Seulement, n'oublions pas cette particularité : si M. Mérimée ressemblait à la plupart des esprits do son temps (j'excepte Balzac) par le manque d'originalité intrépide, il ne ressemblait nullement aux autres esprits de cette époque ardente, dont l'exubérance était la qualité, et l'exagération le défaut. Lui fut peut-être le seul sobre dans cette littéra- ture enivrée. Il le fut naturellement, comme le chameau le serait dans le plus gras des pâturages. S'il exagéra quelque chose, ce fut une maigreur qui alla enfin jusqu'à la sécheresse. Lord Byron, qui craignait l'embonpoint physique, ne prenait que des biscuits et du soda loater, et se mesurait tous les jours les poignets pour voir s'ils n'avaient pas grossi. M. Mérimée, qui n'avait pourtant pas à craindre l'embonpoint intellectuel, semblait appli- quer à son esprit et à son style les expériences et le système de lord Byron » (1).

Ainsi, ni les romantiques Victor Hugo, George Sand et Jules Sandeau, ni le romanesque Feuillet, ni le cosmo- polite Mérimée, ne satisfont pleinement l'individualiste d'Aurevilly. Réserve-t-il donc son bon accueil aux réalistes? Pas davantage. Flaubert a été puissant dans Madame Bovai-y, qui est « une idée juste, heureuse et nouvelle », qui appartient à un romancier de « la véri- table race» et qui dénote «un observateur plus occupé des

(1) Les Romanciers [éd, Anijot, 1863). p. 323 et 326.