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ses textes intercales dans les textes, et son style, qu'on appelle surchargé, en témoignent... La où il avait percé l'horizon, à ce qu'il semblait, jusqu'à sa dernière limite, il en creusait un autre encore qui s'ouvrait dans les pro- fondeurs du premier. Alchimiste de littérature, comme l'avaient été en leur temps Shakespeare et Molière, Balzac était le Balthazar Glaës de sa Comédie. Il ne devint pas fou, mais il mourut à la recherche de son roman philosophai dans une grandeur immense et nécessairement incomplète, car, pour cadre à l'œuvre qu'il avait rêvée, il lui eût fallu l'infini. » (1).

Lorsque les amis de Victor Hugo vantent à l'excès le génie de l'auteur des Misérables, Barbey d'Aurevilly leur oppose sans cesse et triomphalement le génie d'Honoré de Balzac. « Prenez les œuvres de Balzac ! » s'écrie-t-il d'un ton de victoire. Et il ajoute: « Cela ennuie beaucoup les Mameloucks de M. Hugo que je cite tou- jours Balzac, et je le conçois : ils n'ont pas tort. Prenez les œuvres de Balzac qui n'ont, même les plus belles, fait jamais le bruit des Misérables, et voyez si, à mesure que le siècle s'avance vers la postérité, l'imagination publique s'en détache. Voyez si, au contraire, elles ne prennent pas chaque jour plus de place dans la sensation et l'éducation de l'esprit humain... Il faut bien le dire: les hvres forts et vrais ne font pas tant de tapage. Ils n'entrent pas, en faisant de tels cris et de tels renver- sements, dans l'imagination humaine. Ils s'y établissent comme la lumière dans nos yeux, — parle fait souverain et doux d'une beauté qui est en harmonie avec tout ce que nous avons en nous de facultés » (2).

(1) Les Romanciers, (éd. Amyot, 1865).

(2) Les Misérables, de M. Victor Hugo (Paris, 1862).