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cependant, que les Anciens auraient appelé le lanibique, et qui nous a laissé ces douze ïambes superbes, Zodiaque de poésie dont il a été le soleil ! » (1).

Sainte-Beuve fut, lui aussi, le poète d'une heure, mais sa constellation eut la bonne fortune de ne plus repa- raître à l'horizon de la poésie que comme un souvenir fugitif. Elle ne s'entêta pas à briller ; elle ne s'acharna point à la poursuite d'une gloire qu'une fois elle avait conquise et où elle ne pouvait plus viser. « Comment, — s'écrie d'Aurevilly, — M. Sainte-Beuve, après avoir débuté dans les lettres par un livre qui doit être mis au premier rang- des œuvres poétiques du XIX*^ siècle et mieux qu'au premier rang, à part des autres livres en raison de sa profonde individualité, comment M. Sainte- Beuve a-t-il perdu ce don d'orig-inalité inestimable qu'il avait à vingt ans, c'est-à-dire, à l'âge où l'on n'a guère, même avec du talent et de l'avenir, que la folie de l'imi- tation, quand on n'en a pas la niaiserie ?... Comment lui, dont les premiers chants furent des cris étouffés si poignants, et les peintures d'une réalité qui saisissait le cœur comme la vie même, comment ce Rembrandt du clair-obscur poétique, qui s'annonçait alors, est-il devenu, la vie aidant, avec ses expériences, ses blessures et les ombres sinistres qu'elle finit par jeter sur toutes choses, moins pénétrant, moins mordant, moins or et yioir (la pointe d'or dans un fond noir), qu'en ces jeunes années où l'on est épris des roses lumières ? Pourquoi enfin le Rembrandt annoncé, le Rembrandt n'est-il pas venu?»(2)

(1) Les Poêles, 2" série (éd. Lemerre, 1889) p. 140. — Le Pays, 3 avril 1864.

(2) Les Poètes (Amyof, éditeur, 1862), p. 100 et 101. — Le Pays, 8 m;ii 1861.