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tiens d'inspiration introduisent dans leur christianisnne poétique je ne sais quel lâche élément épicurien, car la douleur elle-même a sa sensualité, rien de plus frappant que de voir ce que jusque-là on n'avait pas vu : le stoïcisme en poésie, nous écrivant, par la main la plus douce qui ait jamais existé, des vers de cette virilité d'idées et de cette simplicité d'expression :

Fais énergiquenicnt ta longue et lourde tâche

Dans la voie où le sort a voulu t'appeler,

Puis après, coninu' moi, souflVe et meurs sans parler. » (1)

Ici la poésie n'a pas sans doute la transparence cristal- line des Méditations, mais elle est fièrement imperson- nelle, et son aristocratie foncière lui assure une place d'honneur parmi les productions contemporaines.

La personnalité, au contraire, est la marque d'Alfred de Musset, ^< cet incorrect facile et charmant, qui joue et pleure avec la Muse » (2). Barbey d'Aurevilly s'étend complaisamment sur ce caractère du poète des Nuits : il semble même qu'il voie comme un reflet de son àme dans l'âme blessée de 1' « enfant du siècle ». « Alfred de Musset,— s'écrie-t-il,— bien moins orgueilleux que Byron, bien plus rêveur et, bien plus tendre, exhale son histoire avec ses soupirs, et quand il a chanté, toute son histoire est finie ! Pour personne, il n'y en a plus! Elle n'est donc que dans- ses chants et pas ailleurs. En dehors de ses chants et des sentiments qui les inspirèrent, la vie d'Alfred de Musset fut élégante et vulgaire, car l'élé-

(1) Les Voèles, 2' série (éd. Lemerre, 1889:, p. 3j3 et 3.j4. — • Le Pays, 31 janvier 1804.

(2) Les Poêles l" série (éd. Amyol, I8G2) p. 2."J6.— Le Pai/s, 3 mars 1857.