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de la foi passioiméo. la plus luag'iiifiqno torsion dTime et de main désespérées autour d'un autel invisible, la plus intense prière, enfin, que ritnaginaiion d'un poète, révoltée des abominations de la terre, ait jamais élancée vers Dieu. Ce sont ces Ïambes, d'ailleurs, — précisé- ment parce que le plus grand sentiment de l'àme hu- maine (le sentiment religieux) y vibre d'une étrange puissance, — que je regarde comme la plus belle partie des œuvres poétiques de Chénier. Je n'igno^-e pas que ce que j'écris là est contraire à la donnée commune de la Critique, mais ce n'est point une raison pour moi de ne pas risquer mon opinion. C'est le caractère grec de la poésie d'André Chénier qui a fait tout de suite sa gloire. Les païens modernes, qui sont partout, se sont particu- lièrement épris de ce tour de force et de souplesse d'André, se faisant Grec du temps de Périclès, à la fin du XVIl^ siècle... On ne vit dans son œuvre et on n'ad- mira que la vie grecque, évoquée et ressuscitée avec une précision de contour et une délicatesse de coloris incom- parables. Ce fut un enchantement!... Et cependant, pour toute critique virile, et qui s'attache surtout, dans l'ap- préciation des amvres fortes, à la profondeur de l'accent qui y retentit et qui semble venir de si avant dans l'âme humaine qu'on dirait qu'il en est littéralement arraché, rien de l'e.xécution la plus savante, la plus pondérée, la plus précise et tout à la fois la plus pittoresque et la plus musicale, ne vaut ce rugissement de Tàme élevée à sa plus haute puissance et qui rencontre un mouvement et une expression en équation avec sa foudroyante énergie! C'est le sublime de la poésie lyrique! » (1). Certes, le XVIII siècle ne pouvait faire une plus belle fin,

(1) Les Poêles (éd. Lemene 1889), p. 36 et suiv.