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regrette- l-il plus que jamais, a la veille de la Révolution française, le « temps où c'était une fonction publique que d'écrire l'Histoire. Les gouvernements nommaientà cette fonction sacrée les hommes qu'ils croyaient le plus dignes de cette judicature de la tombe, de cette magis- trature de la vérité. La Couronne, qui signifiait l'Etat, avait alors ses historiographes. Elle pensait sans doute, et avec raison, que rien n'était d'une importance sociale plus profonde que d'écrire l'histoire, et qu'il en fallait défendre le droit par une institution contre les atteintes du premier venu, qui se délivre à lui-même mandat et brevet d'historien. Idée juste, qui eût pu être une idée grande ! Mais pourquoi ne le dirions-nous pas ? La Couronne n'entoura jamais d'assez d'éclat ceux qu'elle appelait ses historiographes. Elle commettait bien à cette charge, selon nous, immense, d'écrire l'histoire, des hommes éprouvés et capables, qui semblaient avoir conquis une telle position, de haute lice, par l'élévation du talent et du caractère et cette conséquence de l'esprit qu'on ne connaît plus et qui est autant l'honneur de la vie que de la pensée. Louis XIV, par exemple, investissait bien deux des plus honnêtes grands hommes de son temps, Boileau et Racine, du soin de raconter une des campagnes qu'il menait en personne. Henri IV choisissait, pour rendre témoignage de son règne, Mathieu, l'écrivain de génie, que, par parenthèse, on devrait bien rééditer. Mais si de tels choix étaient excellents, les attributs de la fonction, relevés encore par le choix des hommes, devaient être plus éclatants et plus comptés. La charge d'historiographe n'était guère que la haguc au doigt d'un homme de lettres, — une charge modeste. Il aurait fallu en faire une charge splendide. Il aurait fallu placer dans l'État, à la même hauteur de respect, l'historio-