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par la force seule du génie, à Tage où les autres jeunes gens ne sont que des bégayeurs de sciences apprises, mais non pénétrées... Cet imberbe écolier, dans lequel Coudé semblait reconnaître quelque chose de son génie à Rocroy, fut, dès les premiers pas, le lion de son époque, ainsi que nous disons maintenant, et cette faveur méritée, qui s'accrut toujours et qui ne défaillit jamais, le suivit jusque dans la vieillesse. En cela plus heureux que ce Louis XIV lui-même, qui est aussi un des plus grands Heureux de l'Histoire, mais qui eut ses jours de revers! Si Bossuet fit des fautes, du moins il ne les paya pas, comme Louis XIV, à même sa gloire et son bonheur » (1). L'éloge est, certes, complet ; mais on devine que Barbey d'Aurevilly aurait mieux aimé Bossuet, si l'évèque de Meaux eût été un de ces génies inégaux et bouillonnants, comme le furent Corneille, Molière et La Fontaine. Il le préférerait moins heureux, abandonné parfois de cette radieuse étoile qui guida sans cesse ses pas assurés et tranquilles sur un sol ferme, sous un firmament serein.

C'est donc aux « irréguliers » que va spontanément l'admiration enthousiaste de l'écrivain normand. La per- fection de Racine le déroute, de même que le constant bonheur de Bossuet, la raison froide de Descartes, l'impeccable dialectique de Pascal et l'austère jugement de Boileau. D'instinct, il se porte vers l'incorrect Pierre Corneille, l'indocile et heurté Molière, le franc-tireur La Fontaine, — tout comme il avait pris parti pour le romantique Ronsard contre le classique Malherbe, pour l'arquebusier huguenot Agrippa d'Aubigné contre les

(l) Les Philosoplies et les Écrivains reliçjieiix. 3° séi'ie (Lenierre, édi- teur, 189!);), p. 216 et suiv.