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mais seulemoiil par une sorte de nécessité inéluctable, résultant de sa nature particulière, de son tempérament indompté, de ses violentes crises intimes. N'est-ce pas là un phénomène vraiment à part et peut-être unique?

Et il poursuit son œuvre, enintrépide, presque à son insu. LWDiour Impossible est une confession de désespéré ; c'est l'aveu d'impuissance fait par un cœur blasé qui ne sait plus trouver d'intérêt à la vie. D'Aurevilly a écrit ce livre de 1838 à 1840, à l'époque la plus tourmentée de sa jeunesse expirante; il y a condensé ses tristes expé- riences d'alanguissement maladif et de factice insensi- bilité. 11 y a, comme il le dit lui-même, « lavé son àme des écumes du passé ». Là, il s'est mis à nu, avec une évidente sincérité, dans toute la laideur de son désen- chantement radical, ainsi que, quelques années plus tôt, en composant la Bague cCAnnihal, il avait dévoilé ses déplorables tendances à la froide ironie et distillé le poison subtil d'un esprit qui ne croit plus à rien.

Il est difficile de concevoir œuvre plus personnelle que celle-là. Elle est faite de souvenirs, de sentiments, d'impressions intimes; elle a été « vécue » avant d'être écrite: c'est l'épanouissement naturel d'une sensibilité qui s'épanche. Même lorsque d'Aurevilly s'arrête sur la pente des confidences commencées et semble vouloir fuir son « moi » envahisseur, quand il entend se sous- traire à l'obsession du passé, il n'arrive pas à dissimuler l'originale etfière allure de son individualité. L'essai sur Brummell et le Dandysme, par exemple, n'est pas une étude où, sous prétexte de biographie et de critique, la physionomie de l'auteur se dérobe. Ici comme partout, à toutes les pages de ses travaux, Barbey apparaît et se montre tout entier. C'est un Dandy qui parle du dandysme et qui se peint de pied en cap, en « illuminant » la figure altière de son héros.