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ferait pardonnera la vie les cruautés dont elle est pleine. Vous avez dit cela mieux que moi dans votre dernière lettre, — cette sombre nuée dont la lettre de votre femme a été le rayon de soleil. Elle a voulu que je ne fusse pas triste de votre tristesse, mais c'est de la charité inutile. Je me sens triste pour jusqu a la porte du Paradis, dans lequel je n'entrerai peut-être pas ! J'ai, depuis que je suis de retour dans Paris, repris la vie damnée qu'on y mène : le travail forcé et les quelques relations flottantes qui ne sont pas le monde encore mais qui sont l'avant-goût du monde de l'hiver qui va arriver. Je n'y ferai pas grand éclat ni grande figure. Comme dit la chanson : Ils sont passés, ces Jours de fête! Je ne peux pas dire que j'aime la solitude ou que je l'aie jamais aimée ; mais c'est elle qui s'est follement éprise de moi, la drôlesse ! et de toutes les maîtresses que le Démon de l'âge vous donne, c'est la plus exécrable. Quand on uest pas en elle, elle est en vous. Vous n'aurez jamais affaire à cette coquine-là. Vous avez femme et enfant. Toutes les chances de la vie sont pour vous. Ma Ugrie de chance, à moi, a été coupée, — m'a dit hier une charmante femme avec qui j'ai dîné et qui lit le destin des gens dans leurs pattes. Que la vôtre, mon cher Armand, ne soit jamais interrompue, et, pour la prolonger, que les tronçons de la mienne passent dans votre main, et je retrouverai ma chance comme cela ! Adieu, mon ami. Je voudrais être plus gai, mais j'ai la montagne de plomb sur le cœur et presque sur l'esprit. Adieu, tous! Je vous embrasse tous, chats, chien, en- fant, femme et homme! Dieu! que je me voudrais avec vous ! »

Jusqu'en ses dédicaces, — Barbey d'Aurevilly a poussé très loin le goût et le culte même de la dédicace manus- crite sur ses livres, — on devine les caractères généraux