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suprême de la beauté, et qui les raconte sans légèreté, sans bonhomie et sans grâce... M. Sainte-Beuve, qui donne depuis si longtemps et qui n'a pas tout donné, car il recommence tous les jours le miracle des roses littéraires, M. Sainte-Beuve, d'une morbidesse de touche exquise, et qui serait le plus profond des critiques si son talent, comme le coton filé trop fin, ne cassait pas en entrant dans la profondeur, n'a point de critique avec les qualités les plus sensibles du critique, parce qu'il n'a point de doctrine. On le résume eii deux mots : anecdotes et détails! M. de Pontmartin, à son tour, — qui se croit, entre amis, un Sainte-Beuve chrétien, — qui est bien chrétien, mais qui n'est pas Sainte-Beuve, — aurait, lui, en sa qualité de chrétien, une doctrine... s'il savait fermement s'en servir. Oui, M. de Pontmartin, lequel est un mixte négatif, qui n'est pas tout à fait Gustave Planche et qui n'est pas tout à fait M. Janin, composé de deux choses qui sont deux reflets, un peu de rose qui n'est qu'une nuance, et beaucoup de gris qui est à peine une couleur, aurait cependant dans l'appréciation des œuvres httéraires et de leur moralité, le bénéfice des idées chrétiennes et la facile supériorité qu'elles donnent à tous les genres d'esprit, si les partis et les relations, la politique et la politesse n'infirmaient jusqu'à sa raison. M. de Pontmartin a résolu le problème de Jean-Paul. Il fait tenir tout son esprit sur une carte de visite. C'est trop peu. La critique a besoin de plus de largeur ».

Quelle largeur Barbey d'Aurevilly entend-il donc lui donner? A ces esthétiques variées, qui ne méritent pas à ses yeux ce noble nom d'esthétique, il oppose hardi- ment la sienne: « Nous ne sommes, s'écrie-t-il, ni les raffinés, ni les bravaches de la vérité. Nous ne voudrions pas même être ses bourrus bienfaisants. Mais enfin

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