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dans le roman que je projette {le Chevalier Des Touches), — niande-t-il à Trebutien le 3 janvier 1853. — 11 y a mieux que la réalité, c'est l'idéalité qui n'est, au bout du compte, que la réalité supérieure, la moelle des faits plus que les faits eux-mêmes, le mouvement de la vie plus que les lignes de la vi(\ la physionomie {)lutùt quc^ les traits ». Et il préconise, pour mènera bien une (XMivre semblable à celle-là, « ce laisser-aller qui est le charme du talent et le ton grand seigneur du talent ».

Par là encore il se sépare de ses contemporains, qui voient, dans le roman historique, soit une fantaisie à la façon d'Alexandre Dumas père, soit une reconstitution minutieuse du passé, à la manière du Gustave Flaubert de Salammbô. Ce que d'Aurevilly se propose, c'est d'exalter l'histoire d'autrefois aux dépens du présent, et de la faire briller, somptueuse et éclatante, en des œuvres passionnées qui seront des panégyriques. 11 heurte ainsi de front les légitimes prétentions du XIX« siècle et condamne son esthétique à un majestueux isolement. Sans doute, il ne s'effraie pas de cette solitude olympienne, de cette impuissance, où il se réduit de gaieté de cœur, d'exercer un jour quelque empire sur les esprits qui l'environnent. Et il se répète à lui-même, pour se réconforter, cette belle parole que, dans un article sur le Duel, il a élevée à la hauteur d'un aphorisme: « La crânerie est la poésie de l'action et du caractère ».

Sa conception de la crilique, aussi strictement aristo- cratique que sa théorie du roman, n'est pas faite non plus pour lui attirer les suffrages des hommes de son temps. Il peut bien s'offrir comme idéal, en maintes circons- tances, « la critique, la calme et inflexible critique qui, à part la personne, la situation, les opinions, le journal auquel elle appartient, prend un livre, le couche sur