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l'ombre d'iiiio grande chose tout le temps que mon esprit sera de ce monde ». Et plus loin, d'Amevilly consulte son ami Trebutien sin' le choix de « quelques beaux noms d'hommes et femmes Normands, avant bien le caractère du pays, — des noms parfumés de moyen-âg-e, notre grande époque à nous ! ^^ Ailleurs enfin, il parle de la Bibliothèque de Caen, on, écrit-il, <' il y a de ma jeunesse, comme des toiles d'araignée, dans tous les coins ».

Certes, celui qui traçait ces lignes émues d'un cœur si normand avait bien le droit d'ajouter en post-scrijUum de son esthétique : « Nous devons être toujours Normands, fils de Rollon, dans nos œuvres... Soyons Normands comme Scott et Burns furent écossais : des gloires adorables pour moi. parce qu'elles ne sont pas Inimani- taircs, mais écossaises... » C'était crier assez haut à ses contemporains, romantiques ivres de voyages et réalistes sans feu ni lieu : Soyez de votre pays ! gardez-vous de devenir cosmopolites. Ne sortez pas de France : restez chez vous. Mieux encore, ne soyez pas seulement Fran- çais, soyez de votre province : aimez-la, attachez-vous à son culte de toutes les forces de votre âme. Et il prêchait d'exemple : « Je ne veux pas, — mande-t-il à Trebutien en juillet lS.j.5, — qu'il y ait un nom normand dontj'ignore l'histoire, une pincée de poudre historique dont chaque atome ne me soit connu. Si j'ai du génie, je vais le faire rentrer dans la terre, dans l'histoire de cette terre, pour qu'il y devienne [autochtone et qu'il en ressorte fils du sol, comme le courrier de Neptune ! »

Toutefois il se rendait compte de l'inutilité de ses efforts : il sentait que cette partie de son esthétique, — la plus originale et la meilleure, — ne serait jamais suivie et resterait sans effet. 11 ne se décourage pas, malgré tout ; il continue a élever au-dessus de la foule et à faire