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trois caraclèros coinplètoiit sa doclriuo lillérairo et lui assurent une physionomie tout à fait individuelle.

Normand fort attaché de cœur à sa vieille province, l'auteur du Clievalier Des Touches n'entend pas qu'on se « déracine » do son pays. Si l'on a lo malheur do n'avoir plus une petite patrie bien à soi, il veut du moins qu'on garde trace de son orig-ine. A vrai dire, l'empreinte du sol natal ne s'efface jamais dans l'esprit et dans Tàme des exilés : on doit l'y retrouver, toujours, même enfouie sous la mousse du temps et dégradée par les mauvaises plantes de l'oubli. « Quand je ferai ma biographie intel- lectuelle de Guérin, — mande d'Aurevilly à Trebulien le 7 octobre 1855, — j'aurai besoin d'une description e.\acte du château (leCayla), de ses êtres et de ses environs, et, si je l'avais, je m'en servirais aussi pour mon introduc- tion au petit volume de la sœur. L'un et l'autre y gagne- raient. Tous ces poètes, ces puissants ou charmants esprits i-éftcctcurs ne peuvent être pris à part du monde d'impressions et de choses dans lequel ils ont vécu leurs premières années et dans lequel s'est condensée la cristallisation divine. Les Poètes, comme les tortues, portent leur maison sur leur dos, et cette maison, c'est le palais des premiers songes, qu'ils emportent à jamais sur leur pensée (et où qu'ils aillent !) comme une écaille, brillante ou sombre. Le premier milieu dans lequel ont trempé les poètes, voilà l'éducation inetlaçable, la véritable origine de leur genre de talent^ ce qui damas- quine et fourbit leur cœur, ce qui en décide le fil et les reflets ! Avec une description, même sèche, du Cayla, que de choses, dans le talent de Guérin, dont j'aurais l'histoire ! Je dis : la description la plus sèche, car la vie, moi, je l'y mettrais. J'ai la faculté d'achever des torses, de fixer des projils perdus ».