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stylo, les perles qu'il nous a laissées, qu'insister avec trop de eoinplaisanco sur les écarts et les égarements de sou imagination mal contenue.

Il a d'abord, entre autres mérites, la soudaineté, l'im- prévu et le pittoresque de l'expression. C'est bien roman- tique, cela; mais le romantisme de Barbey d'Aurevilly est toujours personnel. Au lieu de dire, par exemple: saisir vivement l'iimo et le cœur, il dira: « pincer Tàme», « agrafer le cœur ». Et sans doute la comparaison est d'ordre purement matériel; mais elle se «cristallise », s'enfonce dans l'esprit et ne s'oublie plus. Un écrivain ordinaire répétera après Boileau l'adage si connu: « Le la lin dans les mots brave l'honnêteté ». La pensée et l'expression, — l'expression surtout, — semblent incom- plètes à d'Aurevilly, et il ajoute: '< La langue latine brave l'honnêteté, en païenne qu'elle est, tandis que notre langue, à nous, a été baptisée avec Clovis sur les fonts de Saint -Rémy et y a puisé une impérissable pu- deur » (1).

Barbey d'Aurevilly cultive aussi avec amour et passion l'antithèse romantique; mais il y met un tel accent d'ori- ginalité vraie et de sincérité que, chez lui, les contrastes qu'il évoque ou invente, même très bariolés, semblent naturels. Tel, ce poème en prose sur les Quarante Heures, écrit un dimanche-gras et adressé à l'abbé Léon qui célébrait ce jour-là, dévotement, la fête de l'Adoration Perpétuelle. « De tous les jours que l'Année, cette joueuse au cerceau, chasse devant elle, le jour d'aujourd'hui est le plus singulier peut-être. Il nous faisait rire autrefois. Nous ne rions plus. Je rêve, et toi tu pries Seulement ta prière est plus vive et plus

(I; Les Diaboliques, p. 33'J léd. Deiitu).