Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/179

Cette page n’a pas encore été corrigée

- 175 -

apologiste quelconque. Enfin si, plus modeste encore, il ne voulait cive que normand, certainement il aurait renipreintc pai'ticulière du pays natal, mais il ne paraî- trait pas individuel et au surplus ne serait point intelli- gible à tous. C'est donc la fusion de ces quatre éléments, combinés on des proportions exactes, qui crée l'origi- nalité foncière et inimitable du style de Barbey d'Aure- villy; et cette originalité concentrée et ferme se donne libre carrière dans le mouvement universel des êtres et des choses, — d'où naît la vie.

La vie, voilà donc, en définitive, en dernière analyse, la véritable source de la personnalité. La vie, chacun l'interprète comme il la voit, à sa façon, chacun l'orne des couleurs qui lui plaisent, chacun la « vit » selon les lois de son tempérament. Et c'est ce qui la marque d'un caractère si individuel. C'est elle que d'Aurevilly veut mettre dans tous ses écrits: c'est d'elle qu'il veut gonfler, comme d'une sève toujours bouillonnante, ses romans et sa critique. La vie en tout, la vie partout: tel est son programme.

11 le traduit d'ailleurs en termes catégoriques et il précise sa pensée intime, quand il dit qu'il faut mettre « la vie dans le style et l'émotion qui est plus que la vie » (1). L'émotion, n'est-ce pas la forme la plus parfaite de la sensibilité ? Elle intéresse à la fois les sens et le cœur : elle est donc, par essence, la vie même. La sen- sation exprime la vie ; et dès que la sensation se raffine, se dégage des matières brutes, grossières et inférieures qui l'enveloppent, elle devient émotion, ce par quoi l'homme est plus grand que tous les autres êtres et par-

(1) Les Historiens politiques et littéra'res, p. 339 (éd. Aniyot, 1861).