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tances d'une époque si peu éloig-nce, et nous n'avons plus la note juste que donnaient les sentiments d'alors. Un acquéreur des biens d'Ég-lise inspirait à peu près l'hor- reur qu'inspire le voleur sacrilège, efil n'y a guère que la raison immortelle de l'homme d'Etat qui comprenne bien aujourd'hui ce qu'avait de grand et de sacré une opinion qui parait excessive aux esprits lâches et perdus de la génération actuelle. Au sortir de ces guerres civiles, le curé de Blanchelande avait besoin de se rappeler son ministère de paix et de miséricorde, pour ne pas regarder Thomas Le Hardouey comme un ennemi. Aussi n'était-ce qu'en considération de Jeanne qu'il acceptait les politesses du riche propriétaire, son parois- sien. Ce dernier les faisait, du reste, un peu par déférence pour sa femme, et aussi par cet esprit de faste grossier et d'hospitaUté bruyante, l'attribut de tous les parvenus. Le curé, d'un autre coté, avait en lui tout ce qui fait pardonner d'être prêtre aux esprits irréligieux, bornés et sensuels, comme était Le Hardouey et comme il en est tant sorti du giron du dix-huitième siècle. L'abbé Caille- mer était ce qu'on appelle un homme à pleine main, de joviale humeur, rond d'esprit commode ventre, ayant de la foi et des mœurs, malgré son amour pour le cidre en bouteille, le gloria et le pousse-café, trois petits écueils contre lesquels, hélas ! vient échouer quelquefois la mâle sévérité d'un clergé né pauvre et dont la jeunesse n'a pas connu les premières jouissances de la vie ». (1)

Rien ne manque à ce tableau : ni le romantisme, qui se fait jour dans la tirade initiale sur le temps et « son sable niveleur » ; — ni l'aristocratie, qui se traduit en termes dédaigneux à l'égard des « parvenus » ; — ni le

(1) UEnsorcelée, p. 130 et 131 (éd. Lenierre).