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ses mépris hautains. Il rit do tout, en ses phrases cinglantes d'un fouet invisible et sifflantes d'une raillerie froide, jusqu'à ce qu'il s'écrie finalement d'une voix éplorée de romantique endolori : « Nous avons tous nos Bagues d'Annibal dans la vie ! » La malheureuse Germaine elle-même, qui sera l'héroïne de Ce qui ne meurt ims, n"est pas à l'abri des propos ironiques du jeune Allan, lequel tour à tour s'exalte fiévreusement en tirades passionnées devant sa maîtresse, qu'il adore comme une idole, et se retourne contre elle avec le dédaiii d'une fierté blessée. Successivement, le style de Barbey d'Aurevilly affecte ces deux formes :tantôt il estemporté, fougueux et déclamatoire ; tantôt, il paraît impitoyable- ment railleur.

Il n'en va pas autrement dans V Amour Impossible. Raimbaud de Maulévrier et Bérangère de Gesvres cherchent à s'échauffer d'abord par de délirants discours sur la passion; et d Aurevilly donne à leurs fumeuses divagations tout l'éclat d'expression dont il est capable. Puis, ces tristes héros n'arrivent pas à exaspérer leur sensibihté inerte; et l'auteur nous les peint, à la fin, en une phrase meurtrière d'ironie vengeresse, montant «en voiture pour aller, je crois, acheter des rubans ». Ici, les deux tendances, romantique et aristocratique, du style de Barbey se font équilibre, se mêlent en une exacte proportion.

Avec Georges Bruviiniell et le Dandysme, c'est déci- dément la tendance aristocratique qui triomphe. Le sujet l'exige. Brummell n'est pas un déclamateur; c'est un impassible et un ironiste. Son historien doit l'imiter. Il est volontairement froid, expressément railleur, déli- bérément flegmatique et aristocrate. Et ce caractère dominant persiste dans la première partie d'Une Vieille Maîtresse. 11