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do kl même barque do pirates » (1). Sans doute, Barbey d'Aurevilly n'avait rien d'un « anglomano aveugle » et savait faire la part des qualités et des travers de John Bull. « Il reconnaissait autant que personne, — dit finement un critique, M. Paul Festugière, — les défauts des Anglais, et trouvait au besoin, pour les en blâmer, des termes sévères ; mais il n'en aimait pas moins leur caractère, il enviait leur énergie concentrée;, leur force de volonté, leur flegme et leur morgue ; il se plaisait à rappeler leur origine normande, et c'étaient, à tout prendre, des cousins dont la parenté le flattait. Peut s'en fallait même, ce semble, qu'il ne vît en eux les véritables représen- tants de sa race... Leur littérature faisait, en tout cas, l'objet de son admiration, et leurs poètes étaient, à ses yeux, les plus grands du monde. S'il a subi, comme écrivain, une influence profonde, c'a été celle de Shakes- peare, et surtout de Byron : la descendance normande de ce dernier n'était peut-être pas pour rien dans le culte qu'il lui avait voué. Voilà les esprits avec lesquels il se reconnaissait lui-même le plus d'affinités, et la famille intellectuelle à laquelle, de son propre consentement, il devait être rattaché » (2).

Mais à quoi bon chercher par-delà le détroit la flUation du grand Normand que fut Barbey d'Aurevilly? Son pays, c'est le Cotentin, c'est le coin de terre limité, d'une part, par la lande de Lessay, et, d'autre part, prolongé jusque dans l'inflni par la mer de la Manche. Cette fron- tière bien déterminée et ces horizons imprécis, faits pour le rêve ou les lointaines entreprises, expliquent les deux aspects de son tempérament, à la fois aventureux

(1) Les Diaboliques, p. 194 (éd. Dentu).

(2) Paul Festuoièhe. Un écrivain normand : Barbey d'Aurevilly, p. 35 (Lucoffrc, éditeur, 1897).