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avait coupé les cheveux, à ce Celte qui, d'ailleurs, n'avait jamais été Saiiison. Il était un lettré. Il vint à Paris. Paris lui passa la main sur la tête, lissa les derniers grains de son granit et lui donna le poli qu'il aime. On le vit, le Lakiste énervé du Léta, rimer des Ternaires pour la Revue des Deux-Mondes, et chanter les nombres de P^ihagore, comme un élève de l'Ecole Normale, en récréation et en gaieté. Ainsi le lettré, le bel esprit, l'homme d'école et d'imitation remplaça ce qu'il y a de timidement poète, — mais de poète, après tout, — dans le rougissant auteur de Marie, et le Breton se naturalisa Parisien... A dater de là, Brizeux a cessé d'exister. Transporté loin de son buisson, dont il est l'étoile, est-ce que le ver luisant ne s'éteint pas? » (1). De Paris, le poète s'échappe en Italie ; mais l'Italie ne lui donne pas « de facultés nouvelles » (2). « On ne ressuscite pas la Muse — écrit impitoyablement d'Aurevilly. — Ce n'est pas impunément qu'un poète, fait pour rester sédentaire, est devenu nomade. Il y perd l'accent du pays » (3).

« L'accent du pays ! » voilà ce que recherche dans toutes les œuvres le critique Barbey d'Aurevilly, fidèle à l'exemple du romancier de V Ensorcelée. C'est la raison pour laquelle il aime tant, entre tous les autres, les poètes et les peintres de l'Ecosse : Robert Burns et Walter Scott. Burns, dit-il, « est un génie essentiellement autochtone... Ce rude et joyeux jaugeur, au bonnet bleu et à la branche de houx, ce chanteur de chansons, le soir, dans les granges, ce joueur de violon et de corne- muse, a toujours vécu sur le cœur de son pays, et il y a

(1) Les Poêles (éd. Amyot, 1862), p. 79, 80 et 81. C2) Ibid., p. 83. (3) IhicL, p. 83.