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cables. Il considérait la mer coiiinie la véritable éducalrico do son imagination: « elle m'a reçu, lavé et bercé tout petit » (1). Aussi s'écrie-t-il avec une joie d'enfant, quand il retourne au pays : « J'ai revu la mer, ma mer, — que je pourrais orthographier ma mère ! » (2). Et il répand son enthousiasme en une belle page presque classique d'ordonnance et de mouvement. « 11 était quatre heures et demie. Le soleil crevait au-dessus d'elle (la mer) un banc de nuages couleur violette et faisait sur les vagues comme une gloire d'or qui les rendait étincelantes; — pas verte alors, comme elle l'est presque toujours, mais d'un bleu très pâle, sans vagues, sans ces écumes qui sont comme les moutons de ce pré liquide, toute en oscillations, en frissonnements, en lames lumineu- ses. C'était l'heure du flux. Elle arrivait, et très vite. Elle arrivait sur toute la ligne immense qui va de Garteret à Portbail; mais sinueusement, non d'une seule venue et en ligne de bataille, comme je l'ai vue souvent ; mais par pointes, se bombant ici, se creusant là, dessinant sur le sable des anses mobiles » (3). Ni Chateaubriand, ni Pierre Loti n'ont mieux rendu et noté, en termes plus chatoyants et prestigieux, les reflets changeants de la mer. Les océans exotiques ne leur ont pas suggéré de descriptions plus éblouissantes que cette peinture, minutieuse et colorée, d'une simple marée montante sur les bords de la Manche.

« C'était un verre de vie que je buvais » (4), conclut d'Aurevilly. Ce verre de vie et de santé, non-seulement

(1) ReiaUon inédile d'un voijarje en Normandie (décembre 1864).

(2) Ibid.

(3) Ibid.

(4) Ibid.