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d'une fois, au cours de ce travail, de n'avoir a narrer d'autres faits que la série ininterrompue des labeurs de mon héros. Avec une bibliographie très étendue, précise et détaillée, de tout ce qu'il a composé pendant plus d'un demi-siècle, on connaîtrait suffisamment toute son exis- tence. Pareillement, en sens inverse, l'histoire de son œuvre, c'est aussi l'histoire de sa vie, ou plutôt de son âme. Le romancier normand s'est mis tout entier dans ses écrits ; il y a infusé, pour ainsi dire, son tempérament, ses impressions les plus personnelles, ses souvenirs, ses états d'esprit et de cœur, — tout son être. Il y a déve- loppé à l'extrême une personnahté robuste et originale. 11 s'est complu à marquer de traits ineffaçables, dans ses livres, sa physionomie intellectuelle et sentimentale dont le relief est saisissant, l'individualité puissante et l'élévation prodigieuse. C'est donc lui-même, avec sa figure propre, très colorée et saillante, qu'il m'a paru bon de mettre tout d'abord en lumière. Il n'est que plus facile, maintenant, de dégager les caractères essentiels de ses œuvres, de dessiner la courbe de leur évolution et d'extraire de leur rare variété les éléments durables, les parties maîtresses, ce qui mérite d'être offert à l'admiration publique.

En dépit de ses agitations superficielles, la vie de Barbey d'Aurevilly fut simple, d'une belle unité. Elle a été la vie d'un « cérébral » qui a vécu par l'imagination l'existence qu'il ne put avoir dans la réalité. Son adoles- cence, sa jeunesse, ses premières années d'homme mûr, jusqu'à la quarantaine environ, sont vouées à l'étude solitaire et hautaine. S'il gaspille bien des journées dans le monde, il n'y perd pas son temps, il s'y instruit et s'y développe. Plus tard, dès qu'il entre dans le journalisme mihtant, il heurte de front ses contemporains. Peut-être