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« On n'a pas impunément dix-huit cents ans de chris- tianisme derrière soi, — disait-il unjour. — Gela est plus fort que nous » (1). Peut-être saisira-t-on mieux encore, ici, rétendue et la portée du catholicisme de Barbey d'Aurevilly. C'est le culte de la tradition qui l'amène, pour ainsi dire, à reconnaître la vérité absolue de la religion de ses pères. L'aristocrate réapparaît sous le catholique. Il a volontairement accepté tous les legs des siècles révolus. 11 y a mis son point d'honneur ; et son âme chevaleresque ne se soustrait à aucune des oblig-a- tions qu'elle a contractées envers le passé. Donc, pas plus qu'il ne sacrifie aux exigences politiques et sociales du monde nouveau, il ne transigera sur le chapitre de la religion. Il ne sépare point dans ses affections le trône et l'autel. Il veut le catholicisme intégral comme l'abso- lutisme aristocratique. De même qu'il hait la noblesse bâtarde du XIX siècle, il déteste le catholicisme tronqué des libéraux contemporains. Partisan de l'ordre social du moyen-âge, il en adopte également les conceptions reli- gieuses. L'attitude qu'il prend en face de la pensée libre et de la démocratie triomphantes ne manque pas de grandeur, si elle n'est pas exempte de morgue. Et, sans doute, l'œuvre qu'il a créée croule par la base ; seulement elle est grande aussi et d'une fière allure, car, non-seule- ment elle eût été impossible si l'aristocratie et le catho- licisme n'existaient pas, mais elle n'est acceptable dans son intégrité qu'à la condition que l'on tienne ces deux forces, qui furent jadis les maîtresses du monde, pour l'expression de la Vérité absolue.

(1) Les Poètes, p. 376 (Amyot, éditeur, 1862).