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LES PÊCHEURS DU LABRADOR

ciel de bénir ceux qui venaient ainsi les sauver du désespoir, en les empêchant de mourir de faim.

Mon heureux moment était venu, et je lui dis que j’étais chargé par le gouvernement de m’enquérir de leur condition et de les secourir.

Jamais je ne pourrai oublier l’expression d’étonnement et de reconnaissance de cette pauvre femme.

Nous nous séparâmes en nous serrant la main, car personne ne pouvait parler ; je fis signe à Jones de me suivre, et nous quittâmes cette demeure, où nous avions fait naître de bien douces espérances.

Durant le trajet, Jones devint très gai et communicatif, dit tant de choses de l’air d’un homme distrait, qu’il me pria d’excuser ses manières peut-être étranges.

La sombre perspective qu’il entrevoyait pour passer l’hiver qui allait commencer, se présentait depuis une heure sous des aspects si différents, que ses esprits en étaient ébranlés, et qu’il savait à peine ce qu’il disait. Il lui fallut quelque temps avant de pouvoir se familiariser avec ce brusque changement.

En revenant, je visitai aussi deux autres familles, maigrement pourvues de provisions, mais ne manquant pas de vêtements.

Nous atteignîmes la baie du Blanc-Sablon vers sept heures du soir. Jones me dit qu’il attendrait