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LES PÊCHEURS DU LABRADOR

garçon de 14 ans ; tous les deux étaient partis pour la chasse avec leur dernière charge de poudre, cherchant à tuer le plus gros oiseau qu’ils rencontreraient, afin de fournir un maigre repas à la famille. Depuis plusieurs jours, ils s’empêchaient de mourir en mangeant de la petite truite, que les enfants pêchaient dans un ruisseau voisin. De graisse ou de beurre pour faire cuire ce poisson il n’y en avait pas plus que toute autre espèce d’aliments ; de fait, ce petit poisson seul avait prolongé leur existence.

Ces pauvres petits enfants étaient bien maigres et presque nus ; depuis longtemps ils ne connaissaient plus l’usage des bas et des souliers, en hiver comme en été.

Je demandai à Jones s’il ne pouvait pas leur faire quelque espèce de chaussure avec des peaux de loups-marins. Il me répondit que oui, mais qu’il leur fallait d’abord manger, et que les peaux de loups-marins étaient échangées contre de la farine, pour les empêcher de mourir de faim.

Madame Jones me dit d’un ton triste et résigné : « Tout sera bientôt fini, car il ne nous est pas possible de passer un autre hiver comme le dernier, et celui qui va commencer nous trouve encore plus mal pourvu. »

Je lui dis qu’avant d’arriver à la maison, en compagnie de son mari, je lui avais conseillé d’aban-