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EN RACONTANT

contraints d’accepter l’hospitalité de notre guide pour la nuit et de partager, avec lui et sa femme, son logis composé d’une seule pièce.

Madame Gitony nous prépara bientôt, à même nos provisions, un souper, qui fut pris de grand cœur ; puis on alluma la pipe, et chacun commença à raconter ses aventures : histoire de tuer le temps.

Comme notre hôtesse ne prenait pas part à la conversation, je regardai de côté et l’aperçus à travers l’épais nuage de fumée qui remplissait la chambre, assise dans un coin, fumant aussi sa pipe tranquillement. Je la priai de s’approcher, et de me dire comment elle passait son temps sur la côte du Labrador ; je plaçai en même temps près de moi un escabeau à trois pieds, pour qu’elle vînt s’y asseoir. Elle acquiesça à ma demande ; et, après quelques instants de conversation, je remarquai qu’elle était très intelligente, possédant même une bonne éducation pour une personne de sa condition. J’eus la curiosité de la questionner sur sa vie passée, en autant que les circonstances pouvaient le permettre. Elle était d’ailleurs d’une nature très expansive, et me dit que, née à Québec d’une famille respectable et à l’aise, elle avait reçu son éducation dans un couvent avec l’intention d’embrasser la vie monastique. Une maladie, qui la rendit incapable de mettre ce projet à exécution, l’obligea, d’après l’avis du médecin, à faire un