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EN RACONTANT

Malheureusement cette compagnie, qui promettait tant, n’eut qu’un règne éphémère, car dès l’automne de la même année, elle n’était déjà plus en état de fournir des provisions aux nombreuses familles qui dépendaient d’elle.

Aussi, nos gardiens de phares nous transmirent des rapports les plus déplorables sur l’état des choses, et comme nous devions nous attendre à ce que nos dépôts de provisions seraient vidés pour empêcher ces gens de mourir de faim, la conséquence était que nous serions incapables de secourir les naufragés dans le cas de désastre.

Pour prévenir ce malheur, cent quarts de farine furent embarqués à bord du Napoléon III et distribués à ces pauvres familles. Ces secours ne firent que prolonger l’existence de ces malheureux, car, l’automne suivant les surprit manquant encore du nécessaire, et on eut lieu de craindre de nouveau les mêmes dangers qu’on avait appréhendés un an auparavant. Le gouvernement, alors, trouvant que ces gens devenaient un véritable fardeau, me manda de descendre à Gaspé pour y attendre le steamer Lady Head, revenant d’Halifax. Je devais, de là, faire voile vers l’île, avec ordre d’en ramener ces pêcheurs désillusionnés, et de les renvoyer, soit à Terreneuve, d’où ils venaient, ou dans tout autre lieu où il leur plairait d’aller. Mais sachant qu’ils n’avaient plus de demeures à Terreneuve, et que,